S’intéresser aux nouvelles formes de paiement en ligne implique nécessairement de tourner son regard vers la Chine. Premier pays à lancer une version numérique de sa monnaie, le plus gros marché d’ecommerce mondial a également délaissé les cartes bancaires pour se tourner vers des solutions plus innovantes et sécurisées.
Néanmoins, tout n’est pas rose dans l’Empire du Milieu. Et la domination sans partage de mastodontes comme AliPay et WeChat Pay, mais aussi la question de la protection des données des utilisateurs continuent de poser question.
Voici quelques éléments de réponse pour mieux comprendre et appréhender le système de paiement en ligne en Chine
1. Dépasser le monopole des banques : la domination d’AliPay et de WeChat Pay sur le paiement en ligne en Chine
Alors que l’Europe et les Etats-Unis ont consacré la majeure partie de la dernière décennie à améliorer leur système de carte bancaire à bande magnétique avec puce, la Chine s’est globalement éloignée du paiement en ligne par CB.
Opérant un prodigieux “leapfrog”, elle a sauté l’étape du paiement par carte pour adopter de nouvelles formes de transactions virtuelles, reposant non pas sur les banques, mais sur les portefeuilles numériques. La Chine a ainsi créé un écosystème de paiement alternatif, par QR Code ou encore reconnaissance faciale. Et s’est partiellement libérée de l’intermédiation des banques pour préférer des fournisseurs alternatifs : en l’occurrence AliPay (via Alibaba, surnommé l’Amazon Chinois) et WeChat Pay via Tencent (le premier réseau social chinois).
Les deux groupes possèdent d’ailleurs leurs propres banques commerciales (Webank pour Tencent et MyBank pour Ant Group d’Alibaba), et opèrent donc en parallèle du système de paiement classique, chapeauté par le gouvernement chinois. A eux deux, WeChat Pay et AliPay représentent plus de 90 % du paiement mobile en Chine (soit respectivement 760 millions et 680 millions de transactions par jour).
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Jeter un œil2. Un système cashless, mais aussi sans carte
Si peu de spécialistes auraient misé sur la Chine pour développer un nouveau système de paiement en ligne, le pays est aujourd’hui considéré comme l’un des plus innovants dans ce secteur. Même surprise en ce qui concerne l’abandon de la carte bancaire, puisque le pays possède pourtant le plus grand réseau de CB au monde (avec plus de 7,6 milliards de cartes en circulation).
Néanmoins, l’adoption des terminaux à cartes parmi les commerçants chinois s’est heurtée à une levée de boucliers. En grande partie en raison des frais de transaction et des coûts supplémentaires pour intégrer la technologie de lecture de cartes. L’argent liquide ayant lui aussi ses propres inconvénients (la valeur maximale d’un billet en circulation étant de 100 yuans, soit 15 euros ), la Chine est aussi largement devenue une société cashless.

Ces deux réalités ont permis l’émergence d’un système alternatif de paiement en ligne en Chine, qui s’est fortement appuyé sur la technologie mobile. Les smartphones offrent ainsi un nouveau réseau de communication pouvant concurrencer les lecteurs de carte, et une expérience de paiement nettement plus fluide pour les utilisateurs. 85% des paiements en Chine s’effectuent donc aujourd’hui sur un appareil mobile.
Le parallèle avec la France est poignant, où les utilisateurs font encore preuve de résistance. Seul 1 sur 10 paye avec son smartphone en boutique et 1 sur 2 en ligne
3. Le lancement d’une monnaie 100 % digitale : le Yuan numérique
L’autre spécificité de l’écosystème de paiement en ligne en Chine est le lancement de la première monnaie numérique au monde (ou MNBC pour Monnaie Numérique de Banque Centrale). La Banque Centrale chinoise prévoit donc de faire concurrence aux géants WeChat Pay et AliPay avec une nouvelle monnaie souveraine, qui est entrée en circulation, début 2021, dans les grandes villes du pays (Shenzhen, Chengdu, etc.).
Le Yuan numérique est ainsi appelé, in fine, à remplacer la monnaie physique.
Pour l’heure, cette phase pilote se passe sans accroc, donnant la possibilité aux citoyens chinois de télécharger un portefeuille numérique créé par le gouvernement. Contrairement aux ewallets commerciaux, cette version officielle sera donc considérée comme équivalente à un compte bancaire classique.
Le directeur de la Banque centrale a annoncé limiter la façon dont elle traquera les usagers de cette monnaie numérique, dans ce qu’il appelle “un anonymat contrôlable”. Les observateurs se questionnent cependant sur les répercussions de la numérisation de la monnaie sur le contrôle financier des citoyens par le gouvernement chinois. Une inquiétude partagée par le Wall Street Journal, au regard notamment des éléments de contrôle qui existent déjà dans le système de paiement en ligne en Chine.
4. La zone grise des données de paiement en ligne en Chine
C’est que la confidentialité des données de paiement en ligne en Chine commence en effet à poser question. Sous prétexte de protéger leurs clients de la fraude (qui s’élevait à 47 millions d’euros en 2018), Alibaba et WeChat (qui gèrent donc non seulement leur propre système de paiement, mais aussi leurs plateformes sociales) traitent un volume considérable de données. Et les utilisent en partie pour vérifier le profil des utilisateurs avant de valider une transaction.

Or, cette collecte massive de données est ensuite transmise au gouvernement central, interrogeant à juste titre les citoyens chinois. En effet, elles ont une incidence directe sur leur accès à certains services financiers, comme le montre la généralisation du crédit social (où l’accord de prêt se fait sur la base de la réputation de l’emprunteur). Durant la crise sanitaire, Ant Group a également collaboré avec le gouvernement chinois, attribuant un code de couleur à ses utilisateurs en fonction de son état de santé.
De plus en plus de voix se font entendre sur ce sujet. Et de nombreux citoyens s’inquiètent de la collecte et de l’utilisation qui est faite des données de paiement en ligne en Chine. Néanmoins, la grande majorité souhaitent également le maintien de ce statu quo, n’étant pas prêts à abandonner le niveau de service ultra personnalisé que ce système leur offre.
Si la Chine semble donc en avance sur de nombreux aspects du paiement en ligne et physique (fluidité de l’expérience utilisateur, numérisation de la monnaie, sécurité des échanges), ce n’en est pas pour autant un modèle à imiter à la lettre. Comme on le voit avec la collecte et le partage des données, et le contrôle qu’elles offrent aux fournisseurs de solutions de paiement privés et publics, l’absence de garde-fous se fait presque toujours aux détriments des utilisateurs. On peut donc trépigner de l’adoption assez lente de ces innovations dans l’Hexagone. Mais aussi se réjouir de l’accent qui est mis sur la confidentialité. Comme c’est le cas par exemple en matière de reconnaissance faciale (vos données restant privées, et en aucun cas partagées avec un acteur tiers).
Notre objectif devrait donc être de réussir à combiner le meilleur des 2 mondes. Soit lier innovation technologique tout en respectant l’utilisateur et ses données privées.